les décanteurs à lit de boues

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Le principe de base de ces appareils a été exposé dans la décantation à contact de boue. Dans ce type de décanteur, les boues formées par la floculation constituent une masse en expansion à travers laquelle l’eau brute à traiter, précédemment coagulée, passe verticalement de bas en haut, de manière régulière et uniforme. L’eau flocule en passant à travers le « lit filtrant » que constituent les boues et ressort clarifiée à la partie supérieure du décanteur.

Si l’on introduit l’eau à la base du lit de boues de façon continue, à débit constant, on constate qu’au bout d’un certain temps, la boue se tasse progressivement dans certaines zones et, finalement, on observe une masse compacte de boue hétérogène, au sein de laquelle l’eau s’est créé des passages préférentiels. Dans ces conditions, il n’y a plus de contact efficace entre l’eau qui traverse le lit et les boues qui le constituent.

En revanche, si l’on effectue l’admission d’eau d’une manière pulsée, en introduisant l’eau avec un fort débit pendant un instant très court suivi d’une période de repos à faible débit, on constate que la masse de boue se maintient en suspension homogène. Toute la boue se trouve entraînée vers le haut pendant l’introduction de l’eau, l’énergie dissipée engendre des turbulences qui dissocient les agrégats naissants, mais ensuite, pendant la période de repos qui succède, elle décante d’une manière régulière comme elle le ferait dans une éprouvette maintenue au repos absolu.

On peut réaliser une telle expérience en éprouvette au laboratoire et mesurer ainsi la vitesse ascensionnelle limite à laquelle on peut soumettre un lit de boues : c’est la mesure du coefficient K de cohésion de la boue (voir essais de traitabilité). Cette vitesse limite dépend de nombreux facteurs : nature de l’eau à traiter, taux de traitement en coagulant et en floculant, température, intervalle de temps entre les injections des différents réactifs…

le décanteur Pulsator

Né il y a plus de 50 ans, c’est le décanteur le plus répandu dans le monde pour traiter les eaux naturelles ; ce succès s’explique par :

  • sa simplicité de construction et son adaptabilité à des bassins de toutes formes ;
  • sa forte vitesse de Hazen par rapport aux décanteurs statiques : 2 à 4 m · h–1 en clarification des eaux naturelles, voire plus lorsque le coefficient de cohésion des boues est très favorable ; cet avantage, joint à celui de l’absence d’un floculateur séparé (rappelons que les zones de floculation et de décantation pro­prement dite sont superposées), conduit à des installations beaucoup plus compactes ;
  • sa souplesse d’emploi : rapidité de mise en service, faible impact des variations de débit et/ou de qualité d’eau brute (inertie du lit de boues) ;
  • sa fiabilité, due en particulier au fait qu’aucun appareillage mécanique (brassage, raclage…) n’est immergé dans l’eau ou les boues ;
  • son coût d’exploitation réduit (faible consommation électrique, optimisation des réactifs…).

Le décanteur (figure 12) est constitué par un bassin à fond plat, muni à sa base d’un réseau de tuyaux per­forés (9), surmontés de tranquillisateurs (4), permettant d’introduire l’eau brute uniformément sur toute sa surface. À la partie supérieure, un autre réseau,constitué de tuyaux perforés ou de goulottes (2), assure une reprise uniforme de l’eau décantée. Un tel système de répartition maintient un flux d’eau identique en tous points du lit de boues et évite tout risque de zone morte.

Pour alimenter le collecteur inférieur d’une manière discontinue, le procédé le plus économique consiste à introduire l’eau brute par l’intermédiaire d’une cloche (6) en haut de laquelle on crée une dépression à l’aide d’un ventilateur ou d’un surpresseur fonctionnant en pompe à vide(7) qui aspireun débit d’air sensi­blement égal à la moitié du débit maximal d’eau à traiter.

Dans ces conditions, le niveau de l’eau brute monte progressivement dans la cloche. Lorsqu’il a atteint une valeur comprise entre 0,60 m et 1,00 m au-dessus du niveau de l’eau dans le décanteur, un relais élec­trique relié à un détecteur de niveau (interrupteur à flotteur (12) ou électrode) commande l’ouverture brus­que d’une vanne « casse-vide » (8) de mise en communication avec l’atmosphère. L’eau pénètre alors dans le décanteur avec une grande vitesse (les tranquillisateurs contribuant au maintien d’une bonne distribu­tion).

Ces appareils sont généralement réglés de telle sorte que la chasse s’effectue en 7 à 15 secondes, alors que le remplissage de la cloche dure de 30 à 40 secondes ; la fréquence et la durée des pulsations sont très facilement ajustables en cas de besoin.

Le lit de boues est ainsi animé de mouvements alternatifs verticaux et tend à augmenter de volume du fait des MES floculées de l’eau brute, captées par la masse existante. Pour maintenir constant son niveau (5), une certaine zone latérale du décanteur est réservée pour former les fosses à fond incliné (10) dans lesquel­les la boue en excès peut se déverser et se concentrer. On effectue leur purge d’une manière intermittente (minuteries), par les conduites (3). Un avantage important du dispositif est que, si l’on effectue une purge trop importante de boue, on subit une perte d’eau sans que le lit de boues en soit affecté.

Il est facile de réaliser un décanteur Pulsator dans une cuve existante (décanteur statique, ancien filtre ou réservoir). Ceci permet de moderniser d’anciennes installations et de multiplier le débit de la décantation par un facteur 2 ou 3. Une telle transformation a été faite par exemple à Buenos Aires, Argentine : 864 000 m3·j–1 ; à Alexandrie, Égypte : 240 000 m3 · j–1

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Photo 12. Station de Morton Jaffray-Harrare (Zimbawe) – 9 Pulsator, 1 850 m2
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Figure 13. Évolution des décanteurs à lit de boues pulsé

combinaison avec la décantation lamellaire

Cette association s’est faite suivant deux approches différentes (voir aussi décantation à contact de boue) :

  • soit une adjonction de modules lamellaires (tubes hexagonaux, voir décantation lamellaire et les décanteurs statiques lamellaires) dans la zone d’eau décantée ; l’appareil correspondant s’appelle le Pulsatube (ou Pulsator T) ;
  • soit une adjonction de plaques inclinées au sein même du lit de boues : c’est le Superpulsator (ou Pulsator S)

Ces deux principes ont ensuite été appliqués simultanément dans le même appareil, donnant naissance à l’Ultrapulsator (ou Pulsator U) ; la figure 13 récapitule cette évolution.

Ces appareils réunissent les avantages respectifs de la décantation à contact de boues, de la pulsation d’un lit de boues et de la décantation lamellaire (effet sur la vitesse de Hazen et sur la densification du lit de boues). Ils possèdent plusieurs points communs (alimentation, répartition, reprise) avec le Pulsator dont ils accroissent les performances (vitesse admissible, qualité d’eau décantée…). Tous gardent en outre les qua­lités déjà soulignées pour le Pulsator : compacité, souplesse, fiabilité…

le décanteur Pulsatube (ou Pulsator T) (voir photos 13 et 14)

La figure 14 montre le schéma de principe de cet appareil :

  • si, du fait d’une vitesse appliquée supérieure à celle autorisée par la valeur de K, du floc fin est entraîné hors du lit de boues par le flux ascensionnel de l’eau décantée, il est capté par le réseau de modules lamel­laires (12), y subit une décantation du fait d’une vitesse de Hazen devenue subitement beaucoup plus fai­ble et retombe dans le lit de boues. Au cours de sa chute en retour, le floc roule sur les parois des modules, ce qui le déshydrate partiellement et le transforme en particules plus denses et plus grenues. En s’enri­chissant ainsi d’une boue présentant une densité et une cohésion supérieures, le lit de boues peut subir une vitesse ascensionnelle plus élevée ;
  • la combinaison de ce phénomène avec celui de la finition de l’eau décantée dans les modules permet d’adopter une vitesse ascensionnelle environ deux fois plus forte que dans un Pulsator classique (en pra­tique 4 à 9 m ·h–1).

Si l’on désire convertir un Pulsator existant en Pulsatube pour augmenter sa production, il est parfois nécessaire de modifier les systèmes de répartition de l’eau brute et/ou de l’eau décantée (augmentation des vitesses et des pertes de charge, risques de débordement…).

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Photo 13. 8 Pulsatubes – Station de Kota Tinggy (pour l’alimentation de Singapour) – Débit : 450 000 m3 · j–1
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Figure 14. Différence entre décanteur Pulsator (à gauche) et Pulsatube (à droite)
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Photo 14. 6 Pulsatube – Station de Sélangor (Malaisie) – Débit : 1 040 000 m3 · j–1

le décanteur Superpulsator ou Pulsator S

Cet appareil (figure 15) applique le principe de la décantation lamellaire non plus au simple niveau de la décantation, mais à celui de la floculation-décantation en combinant l’action de plaques inclinées avec celle du lit de boues (voir décantation à contact de boue). Les plaques immergées dans le lit de boues participent à la bonne répartition de l’eau et les tranquillisateurs peuvent en général être supprimés.

Deux phénomènes sont simultanément mis en œuvre :

  • l’eau en cours de floculation pénètre dans le réseau de plaques parallèles inclinées à 60° sur l’horizon­tale et perpendiculaires au concentrateur. La face inférieure de chaque plaque est équipée de déflecteurs, créateurs de mouvements de brassage favorisant la floculation (photo 15) ;
  • par ailleurs,les plaques permettent de maintenir dans le lit de boues une concentration environ deux fois supérieures à celle d’un Pulsator fonctionnant à la même vitesse.

La combinaison de ces deux effets permet, sur un Superpulsator, de doubler la vitesse admissible par rap­port au Pulsator classique, soit 4 à 8 m · h–1 (performance voisine de celles du Pulsatube, lequel manifeste toutefois une meilleure stabilité dans des conditions défavorables de fort ensoleillement et/ou de variations de température).

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Photo 15. Circulation des boues entre des plaques de Superpulsator
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Photo 16. Installation de Burlington (Vermont, États-Unis). Débit : 36 000 m3 · j–1. Construction de deux Superpulsator dans d’anciens bassins

le décanteur Ultrapulsator (ou Pulsator U)

Les explications qui précédent permettent de comprendre qu’en associant les deux principes :

  • plaques inclinées dans le lit de boues ;
  • modules lamellaires au-dessus du lit de boues,

on puisse augmenter encore les performances de la décantation. L’Ultrapulsator, qui en résulte, peut effectivement admettre une vitesse ascensionnelle au moins trois fois plus forte que celle du Pulsator clas­sique, de l’ordre de 9 à 12 m · h–1 en général.

Il est spécialement indiqué :

  • dans tous les cas où l’on recherche une grande simplicité d’exploitation tout en occupant une surface minimale au sol ;
  • pour des problèmes particuliers de traitement (ex. : eaux relativement claires mais froides et colorées, comme au Canada, dans le nord des États-Unis ou en Russie ; prétraitement devant des membranes d’ultrafiltration).

champ d’application

De tels appareils à lit de boues peuvent traiter en clarification toutes les eaux naturelles dont la turbidité et les MES ne dépassent pas environ 1 500 NTU et 2 g · L–1, respectivement (dans le cas contraire, on place en amont un prétraitement approprié, comme un dessablage ou un débourbage), et sont adaptés à l’élimi­nation des micro-algues planctoniques (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’unités par mL) et de la cou­leur aussi bien qu’à celle des colloïdes argileux.

De plus, la concentration des boues et le temps de contact dans le lit étant exceptionnellement élevés, ces appareils sont les meilleurs supports pour un traitement au charbon actif en poudre lorsque l’eau est polluée : la capacité de fixation du CAP est alors pratiquement égale à sa valeur maximale théorique (voir mécanisme adsorption et étude du pouvoir adsorbant d'un charbon) et, pour un même abattement des MO ou des micropolluants, le taux de traitement est nettement plus faible que dans les décanteurs conventionnels. On peut alors parfois faire l’économie d’une batterie de filtres à charbon en grains si les pollutions ne sont que temporaires.

Souvent choisis du fait de leurs multiples avantages, des décanteurs Pulsator ou leurs dérivés lamellaires fournissent de l’eau à près d’un demi-milliard de consommateurs d’agglomérations de toutes tailles, dont une cinquantaine de capitales, de même qu’à de nombreux sites industriels ; au total, ce sont 3 à 4 millions de m3 d’eau qui sont traités chaque heure par ce type d’appareil.

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