micro-organismes dont l'eau douce est l'habitat naturel

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Il existe tout un ensemble d’organismes adaptés à la vie aquatique. Ces êtres constituent la flore (végétale et bactérienne) et la faune des eaux. Ils jouent chacun leur rôle dans l’équilibre complexe qui régit les biotopes aquatiques, où coexistent les producteurs primaires (autotrophes) et les consommateurs d’organismes ou de molécules organiques (hétérotrophes). Inversement, leur prolifération sous l’effet de certaines pollutions peut entraîner des nuisances pour les usagers de l’eau : en particulier, lorsque les conditions optimales sont réunies, les algues et les plantes aquatiques peuvent ériger par photosynthèse des masses énormes de substances organiques à partir des éléments nutritifs simples (C, N, P), avec des répercussions sur les chaînes alimentaires et la qualité des eaux (voir pollution et eutrophisation).

les bactéries

Dans le règne bactérien, figure 1, coexistent des organismes autotrophes (bactéries chimiotrophes, voir l'eau et le métabolisme cellulaire, cycle de l'azote, cycle du soufre et cycle du fer et du manganèse) et hétérotrophes (décomposeurs en général). Ces derniers ont un métabolisme analogue à celui des bactéries que l’on trouve dans les boues activées et les lits bactériens (voir biomasse épuratrice des eaux résiduaires).

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Figure 1. Principaux aspects morphologiques des bactéries

les algues et les cynobactéries

On se reportera au règne végétal pour leur classification et aux figures 5 à 7 pour l’aspect de certaines d’entre elles.

Les cyanobactéries, anciennement intégrées dans les algues, ont une activité photosynthétique et un comportement général similaire aux algues mais avec des inconvénients plus marqués : flottation par vacuoles gazeuses, production de toxines…) .

Les algues et cyanobactéries peuvent être dans la masse d’eau (phytoplancton) ou accrochées à un support (périphyton).

Dans le cas des développements massifs évoqués ci-avant, les microalgues planctoniques atteignent cou­ramment des concentrations de plusieurs dizaines de milliers d’organismes par mL d’eau, laquelle peut alors se trouver intensément colorée (en vert, bleu-vert ou brun suivant les espèces dominantes). Dans cer­taines conditions, elles peuvent former en surface un tapis continu appelé fleur d’eau (cas de certaines Cya­nobactéries).

Dans les stations, les eaux chargées de microalgues et cyanobactéries doivent être traitées avec des doses de coagulant rela­tivement très élevées ; il faut en éliminer la plus grande partie avant les filtres, qu’elles risquent de colmater très rapidement ; dans les eaux traitées, les organismes résiduels augmentent la concentration en MO, entraî­nant une diminution du chlore résiduel et de l’oxygène dissous, et peuvent favoriser le développement de micro-invertébrés en leur servant de nourriture, d’où la nécessité d’une élimination quasi- totale avant refoulement.

Le périphyton (qui comprenddes micro- et des macroalgues) constitue une gêne pour le traiteur d’eau lorsqu’il se développe sur les parois des ouvrages (couverture souvent nécessaire lorsque l’eau ne contient pas d’oxydant résiduel).

Non seulement les algues et cyanobactéries synthétisent leur propre substance, mais elles émettent dans le milieu aquati­que des composés (« métabolites ») qui vont, entraîner des nuisances pour la production d’eau potable en :

  • interférant sur letraitement : demande élevée en coagulant, précurseurs de trihalométhanes, inhibi­teurs de floculation, gaz dissous provoquant des remontées de boues en décantation ou des pertes de charge anormales en filtration, mucilages colmatant les filtres ou provoquant des post-floculations en cours de distribution ;
  • provoquant des goûts et surtout des odeurs; il faut distinguer dans ce domaine :
    • les métabolites extracellulaires volatils engendrés par divers types d’algues (et également d’Actino­mycètes), directement à l’origine d’odeurs spécifiques, par exemple :
      • géosmine, voir figure 2 (terre et moisi) ;
      • 2-méthyl-isobornéol, voir figure 2 (terre et moisi) ;
      • hexanal et heptanal (poisson) ;
      • autres substances (aromatiques, herbe, pourri…) ; l’éventail de ces substances est très varié et l’odeur globale dépendra de l’embranchement dominant (tableau 6) ;
    • certaines substances phénolées, sécrétées par des Cyanobactéries, à l’origine de goûts de chlorophé­nol par réaction avec le chlore ;
    • certains produits de décomposition des organismes morts (composés soufrés en particulier) ;
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Figure 2. Structure des molécules de géosmine et de 2-méthyl-isobornéol
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Tableau 6. Nature des goûts et odeurs engendrés par les algues ou cyanobactéries
  • sécrétant destoxines: les phénomènes de toxicité sont presque toujours liés à des développements massifs de cyanobactéries, qui peuvent élaborer divers types de toxines :
    • dermatotoxines, causes de dermatites aiguës et de conjonctivites parmi les baigneurs
    • neurotoxines : ce sont des alcaloïdes, élaborés par les genres Anabaena, Aphanizomenon, Oscillatoria, des cyanobactéries … ; les plus connues sont l’anatoxine-a (figure 3) et l’anatoxine-a(s), ainsi que la saxitoxine et la néosaxitoxine qui sont aussi les principales toxines émises par les Dinoflagellés marins ; ces toxi­nes agissent sur le système nerveux et peuvent provoquer une mort rapide en paralysant les muscles respiratoires et cardiaque
    • hépatotoxines : ce sont des polypeptides cycliques, produits par diverses cyanobactéries (Microcystis, Nodularia, Anabaena, Oscillatoria…) ; leurs noms évoquent dont elles ont été isolées pour la pre­mière fois (microcystine (figure 4), nodularine) ; elles peuvent provoquer, suivant la dose reçue, soit une destruction des hépatocytes avec accumulation de sang (mort en quelques heures), soit un dérèglement hépatique (mort après quelques jours), soit, à long terme, un cancer du foie.

Généralement, les produits sapides et odorants, de même que les toxines algales, ne sont guère affectés par les procédés basés sur une coagulation-floculation, mais sont bien éliminés par les procédés d’affinage classiques (ozone et/ou charbon actif), ou par certains procédés membranaires ( CAP + UF ou NF ).

identification des algues planctoniques (ou phytoplancton)

La classification des algues est basée en premier lieu sur les pigments (grands embranchements, dans cer­tains desquels la chlorophylle, toujours présente, peut être masquée par d’autres pigments : carotènes, phy­cobiline, phycocyanine, phycoérythrine…), puis sur la morphologie, les substances de réserve, l’appareil flagellaire. Elle permet d’ordonner une très grande richesse d’organismes représentant plus de 2 000 gen­res, nombre d’entre eux comportant plusieurs dizaines d’espèces.

L’identification des algues est un travail de spécialistes nécessitant une longue expérience et l’utilisation de nombreux ouvrages de référence (pour leur comptage voir analyses microbiologiques). Les illustrations ci-jointes (figures 5, 6, 7) n’ont pas la prétention de permettre une identification jusqu’à l’espèce mais, plus simple­ment, un repérage du genre ou du groupe parmi les plus courantes.

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Figure 5. Phytoplancton (d’après V. Sladececk)
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Figure 6. Phytoplancton (d’après V. Sladececk)
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Figure 7. Phytoplancton (d’après V. Sladececk)

le zooplancton

Le zooplancton des eaux douces est pauvre en genres et en espèces ; il est rarement représenté par un grand nombre d’individus dans les fleuves et les rivières, contrairement aux lacs et aux étangs. Il comprend surtout des crustacés, des rotifères et des protozoaires (figures 8, 9, 10).

Zooplancton 3Image sécurisée
Figure 10. Zooplancton (d’après V. Sladececk)

Les animaux du plancton sont transparents. Ils nagent plus ou moins activement et possèdent des appen­dices leur permettant de se maintenir dans l’eau. Ils s’enfoncent à une profondeur variable suivant l’agita­tion de l’eau en surface. Il existe également des migrations verticales journalières en relation avec le phototropisme. Leur taille est très variable. Certains embranchements ne comprennent que des individus microscopiques (Protozoaires, Rotifères), d’autres, des individus de quelques millimètres (Crustacés). Ils se nourrissent d’algues, de bactéries, de détritus organiques, ou bien se dévorent entre eux.

Leur pullulation subit des variations saisonnières, en relation avec le développement du phytoplancton et inversement. En effet, des proliférations algales ont été observées en rivière ou en réservoir, suite à la destruction par des toxiques chimiques du zooplancton algivore.

En dehors des trois grands groupes cités plus haut, on en trouve d’autres dont les larves sont planctoni­ques, les adultes vivant fixés sur un support. Certains peuvent former des groupements d’individus suffi­samment importants pour boucher des conduites d’eau brute (cas du mollusque Dreissena polymorpha) ou gêner la filtration dans certains ouvrages (Mollusques, Spongiaires, Bryozoaires). Les œufs, kystes ou lar­ves, peuvent traverser les filtres et se développer ultérieurement (ex. : oligochètes, nématodes, crustacés, diptères…).

Deux milieux sont particulièrement propices au développement des micro-invertébrés :

  • le charbon actif en grains, qui constitue un excellent support, en détruisant le désinfectant résiduel et en concentrant des MO consommables (lutte par lavages réguliers, éventuellement à l’eau chlorée) ;
  • les réseaux (tuyauteries, réservoirs) surtout lorsque :
    • l’eau est distribuée sans chlore résiduel ;
    • le traitement en amont n’a pas été assez poussé (en laissant par exemple passer des microalgues planctoniques qui serviront ensuite de nourriture aux animalcules) ;
    • le réseau n’est pas assez bien entretenu (nettoyages, chasses…).

Tous les embranchements de micro-invertébrés peuvent se développer sur les CAG et dans les réseaux, en particulier :

  • Protozoaires (figure 8 - 1 à 16) : Ciliés, Flagellés, Rhizopodes
  • Rotifères (figure 10 - 1 à 10)
  • Vers nématodes (figure 9 - 20 et photo 5) ou oligochètes (figure 9 - 21 à 24 et photo 2)
  • Crustacés :
    • Cladocères (figure 10 - 11 à 15), comme Daphnia sp., Bosmina sp.
    • Copépodes (figure 10 - 17 et 18) comme Cyclops sp., Diaptomus sp.
    • Isopodes, comme Asellus aquaticus (figure 10 - 19 et photo 3) dont la taille (0,8 à 1,2 cm) provoque invariablement des plaintes des consommateurs lorsqu’il est présent dans un réseau.
  • Larves d’insectes (figure 8 - 23 à 25), notamment diptères : Chaoborus (photo 4), Tipula, diverses espè­ces de chironome dont l’une (Paratanytarsus sp.) présente la particularité d’être parthénogénétique néo­ténique (la larve pond des œufs sans passer par l’état adulte d’insecte volant) et peut donc coloniser un réseau comme les vers ou les crustacés


Ces organismes présentent des résistances élevées au chlore et très variables d’un groupe à l’autre (tableau 7).

Il est donc difficile de se débarrasser des adultes après leur multiplication dans un réseau ; en revanche, il suffit souvent de maintenir un résiduel de chlore de 0,2 mg · L–1 en moyenne pour empêcher sa colonisa­tion par les œufs qui ont traversé la barrière du traitement.

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