aide à l’analyse des dysfonctionnements

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Les stations d’épuration, notamment celles utilisant le procédé des boues activées, peuvent être sujettes à des défaillances qui limitent la fiabilité des performances épuratoires.
Ces problèmes sont apparus très tôt avec le développement des boues activées mais leur fréquence s’est accrue avec l’introduction des procédés conçus pour l’élimination de l’azote et du phosphore.

De nombreux facteurs sont susceptibles d’affecter le comportement des boues activées dont :

  • la nature de l’eau usée et le réseau
  • la conception de la station
  • l’exploitation de la station.

Parmi les problèmes les plus couramment rencontrés, on retiendra :

  • le non-respect des normes
  • le moussage
  • le foisonnement filamenteux

la nature de l’eau usée et le réseau

Les rejets industriels doivent être contrôlés et les rejets de graisses, saumure, métaux lourds, toxiques (phénols, cyanures,…) dans les réseaux doivent être proscris.

La septicité des eaux est fréquente sur les réseaux longs à faible pente. Pour éviter des fermentations, il faut assurer une vitesse supérieure à 1m/s.

Sur les longs réseaux, on peut envisager des postes de traitement (injection d’oxydants, de sels métalliques,..).

La concentration en sulfure de l’effluent d’entrée doit être inférieure à 1-2 mg/L. Un curage régulier du réseau est un gage de bon fonctionnement.

la conception de la station

  • le poste de relèvement : pompe au point bas, pente favorisant le transfert des dépôts vers le point de pompage, bonne qualité du Génie Civil,…
  • Bassin d’orage et Bassin tampon : prévoir une restitution rapide, prévoir une agitation pour éviter les dépôts
  • Prétraitement : vitesse réaliste dans le dessableur, zone calme en sortie du dégraisseur afin de favoriser la concentration et la reprise des graisses

la décantation primaire

Le surdimensionnement est à éviter afin de limiter le temps de séjour à 2 heures. Les boues doivent être extraites le plus régulièrement possible et à des concentrations inférieures à 10 g/L. Il ne faut pas prévoir d’épaissir les boues primaires dans le décanteur primaire. Un ouvrage spécialisé (ex : épaississeur statique) doit être prévu.

les bassins biologiques

  • Zone de contact : à prévoir si un seul bassin biologique (chenal)
  • Anoxie, anaérobie : Eviter la conception favorisant l’accumulation de flottants (sortie par déversement), assurer une bonne homogénéisation ainsi qu’un bon brassage.
  • Bassin d’aération : Favoriser les sorties par déversoir afin d’éviter le stockage des flottants. Le poste d’aération doit être correctement dimensionné (compresseur et répartition des aérateurs) afin que les puissances soient suffisantes pour éviter les dépôts et les zones mortes.
  • Dégazage : Prévoir un bassin de dégazage avant la clarification notamment lorsque la hauteur liquide du bassin d’aération est supérieure à celle du clarificateur afin d’éliminer les gaz dissous (azote et air) et si la hauteur de chute est supérieure à 50 cm.
  • Clarificateur

Il devra être dimensionné en fonction du débit, de la concentration en boues et de la décantabilité des boues. La reprise des boues (raclé ou reprise par tubes suceurs) devra être homogène sur tout le radier. Un taux de recyclage de 150 % devra être prévu afin d’éviter une durée stockage trop longue des boues notamment lors des pointes de débit.

l’exploitation de la station

le non-respect des normes

Indépendamment des problèmes de nature de l’eau et de conception de l’installation, une bonne gestion de la station est impérative pour l’obtention des normes. Pour éviter une dérive des différents paramètres il faudra adapter les paramètres d’exploitation à :

  • la charge entrée biologique
  • aux caractéristiques de l’eau entrée
  • à la température (âge des boues minimum pour la nitrification)
  • fournir correctement l’oxygène
  • assurer le brassage (supprimer les dépôts)
  • extraire régulièrement les boues en excès (maintenir un âge de boue aéré proche de l’âge minimal)
  • ne pas stocker de flottants, principalement dans les zones non aérées.
  • recirculer correctement les boues du clarificateur (limiter le temps de séjour des boues à 2 h).

le traitement des boues

  • Fiabiliser l’évacuation des boues afin d’extraire régulièrement les boues
  • Pas de retours en tête provenant de la digestion, bon fonctionnement de la digestion avec faible concentration en AGV (acides gras volatils)
  • Proscrire les retours chargés et en fermentation anaérobie (épaississements, déshydratation,…).

les dysfonctionnements

Les principaux dysfonctionnements liés aux organismes filamenteux sur une station se manifestent sous deux formes :

  • le foisonnement filamenteux
  • le moussage

Les causes sont bien souvent multiples et le choix des solutions nécessite une analyse globale (voir paragraphes précédents).

le foisonnement filamenteux

On entend par foisonnement filamenteux, appelé « bulking sludge »dans le langage anglo-saxon, la présence dans un floc (ou entre) d’organismes filamenteux qui perturbent les propriétés de décantation de la boue (indice de boue élevé et supérieur à 200 ml/g) et donc compromettent la qualité de l’eau épurée. Les nuisances provoquées par les filaments sont proportionnels à leur densité et surtout à leur longueur. Elles dépendent également des espèces filamenteuses présentes, certaines étant plus pernicieuses que d’autres.

Les travaux réalisés par différents chercheurs, en particulier Eikelboom et Jenkins, ont abouti à une classification des filaments en 29 types. Le tableau 8 présent dans la section biomasse épuratrice des eaux résiduaires, présente les types de filaments les plus fréquemment observés ainsi que les causes principales de leur développement.

Compte tenu de la diversité des filaments et des conditions qui peuvent favoriser ce problème, l’approche pratique en cas d’apparition de foisonnement filamenteux consiste à :

  • évaluer l’ampleur de la colonisation par les micro-organismes filamenteux.
  • identifier les espèces filamenteuses impliquées (examen microscopique).
  • déterminer les remèdes appropriés

* à court terme, traiter les symptômes : modifier le taux de recirculation de la boue, ajouter des aides à la décantation, effectuer une chloration de la boue (pour plus de détail sur les méthodes permettant les actions à mettre en œuvre, (voir biomasse épuratrice des eaux résiduaires).

* à long terme, traiter les causes : vérifier la septicité de l’influent, l’apport de nutriments, l’absence de dépôts, modifier la charge massique, le taux d’aération….

Une méthode de lutte fréquemment utilisée est la chloration de la boue activée, dont le principe consiste à détruire les filaments à la surface du floc sans affecter les bactéries floculantes.

L’efficacité du traitement nécessite de respecter de strictes conditions d’application :

  • dosage approprié, de 3 à 8 kg Cl2 par tonne de MES présente dans le système et par jour
  • point d’injection (le recyclage), excellent mélange, boue concentrée, pas de compétition avec DBO5, NH4,…
  • taux de renouvellement adapté, minimum 2 fois par jour
  • durée suffisante (de 2 jours à 1 semaine selon les doses injectées)
  • suivi fréquent de la qualité de l’eau traitée.

D’autres oxydants, tels qu’ozone ou peroxyde d’hydrogène, peuvent également être utilisés.

le moussage

Le moussage des boues activées est un phénomène qui se traduit par la formation à la surface du bassin d’aération d’une mousse soit de couleur blanchâtre soit de couleur brune (mousse au chocolat).

On distingue 4 types de mousses :

  • Les mousses de démarrage (mousses légères et blanchâtres qui disparaissent après quelques jours)
  • Les mousses de tension actifs (détergents, apports industriels, matières organiques colloïdales (sang), hydrocarbures,…). S’il s’agit d’apports ponctuels, le phénomène est limité dans le temps. S’il perdure, il peut provoquer à terme l’apparition de mousses biologiques stables.
  • Les matières flottantes instables (origine : dégraissage, dégazage, dénitrification, fermentation anaérobie). Elles se caractérisent par l’absence d’organismes filamenteux. Un simple arrosage suffit à les rabattre. Il est impératif d’évacuer ces flottants pour éviter l’apparition de forme stable.
  • Les mousses biologiques

les mousses biologiques

Ces mousses forment des amas de flottants stables de couleur marron clair à marron foncé qui recouvre progressivement la surface des bassins biologiques et peuvent être transférés vers le clarificateur puis évacués avec l’effluent.

Les deux principaux organismes filamenteux responsable de ce moussage et identifiable par examen microscopique sont Nocardia spp et Microthrix parvicella. Ces organismes à croissance lente sont couramment associés à la présence de septicité, dépôt, hétérogénéité, graisse à une température relativement élevée (supérieure à 18 °C) et à des âges de boues importants (supérieurs à 5 jours).

Cependant, l’accumulation sélective de Nocardia spp dans la mousse piégée en surface conduit à une augmentation du temps de rétention de cet organisme et ,à favoriser sa prolifération même dans des systèmes à âge de boue plus court.

Le moussage dû à Nocardia semble impliquer la nature hydrophobe de la membrane cellulaire qui tend à provoquer la flottation en surface du bassin d’aération.

En raison de sa stabilité, cette mousse est très difficile à éliminer par des moyens chimiques, même si l’aspersion de la boue par de l’eau chlorée peut, à court terme, constituer une méthode intéressante.

Les moyens de lutte les plus efficaces doivent s’orienter vers la suppression des conditions qui favorisent la croissance de ces filaments à savoir :

  • suppression de la septicité ( AGV ), dépôts, hétérogénéité, graisse,…
  • réduire au maximum possible l’âge des boues
  • construction de bassin sans possibilité d’accumuler les flottants : éviter les parois immergés qui piègent l’écume, construire des puits de dégazage qui permettent d’éliminer les flottants.
  • évacuation des flottants hors des réacteurs biologiques pour éviter leur recyclage et le réensemencement permanent.

remontée de boues

Un problème parfois rencontré avec des boues à bonne décantabilité est la remontée ou la flottation de flocs à la surface du clarificateur.

Les deux causes les plus fréquentes sont le dégazage et la dénitrification. Les problèmes sont accentués par la présence de filaments.

Dans les deux cas la production d’azote (dégazage de la liqueur en sursaturation et/ou transformation des nitrates en azote gazeux) se traduit par la formation de micro bulles qui se fixent sur les flocs et peuvent entrainer une flottation.

Pour remédier à ces problèmes prendre les dispositions suivantes :

  • Prévoir systématiquement un dégazeur avant le clarificateur et limiter la chute à 50 cm (dégazeur–clarificateur)
  • Concevoir la clarification avec la possibilité de recycler à un taux de 150 %
  • Aux fortes températures, éviter de fonctionner avec des âges de boues trop élevés et/ou des concentrations en boues élevées.
  • Prévoir d’optimiser la dénitrification.

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