les polluants gazeux et odorants sur une STEP

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les principaux polluants

Sauf cas très spécifiques des ERI , les composés odorants émis sur les systèmes de traitement des eaux proviennent de quatre grandes familles :

  • les composés soufrés réduits:
    • hydrogène sulfuré : H2S ;
    • mercaptans : CH3SH… ;
    • sulfures organiques : CH3–S–CH3, CH3–S–S–CH3 (pour les plus courants)… ;
  • les composés azotés :
    • ammoniac : NH3 ;
    • amines : CH3NH2, CH3–NH–CH3 (pour les plus courantes)… ;
  • les acides gras volatils :
    • acides formique et butyrique par exemple ;
  • les aldéhydes et cétones :
    • les COV totaux (COVT) font souvent partie des polluants à contrôler en STEP. Cette famille regroupe tous les composés présents en phase gazeuse et contenant au moins un atome de carbone et un atome d’hydrogène. Cette famille comprend des composés odorants (dont les mercaptans, les amines, les aldéhydes, …), des composés néfastes pour l’environnement ou la santé humaine (tels que le benzène, le formaldéhyde) et des composés non « polluants » (par exemple le butane). On distingue les COV totaux non méthaniques (COVT,NM), c’est-à-dire les COV à l’exclusion du méthane, des COV totaux.

Les deux familles soufrés réduits et azotés sont responsables des odeurs les plus marquées dans les stations urbaines en l’absence d’industrie raccordée et sans traitement thermique des boues. Dans ce dernier cas, on peut avoir des odeurs fortes dues à des aldéhydes.

les sources d'émission de polluants gazeux et odorants d'une STEP

l’arrivée de l’effluent brut et les prétraitements (dessablage, déshuilage et décantation primaire)

Sur ces ouvrages, le principal risque est de transférer vers l’atmosphère les composés malodorants contenus dans les eaux à traiter. Les caractéristiques et l’origine de ces eaux sont donc des facteurs déterminants à prendre en compte pour évaluer leur potentiel émissif.

En l’absence de rejets industriels dans le réseau d’eaux usées, le principal polluant gazeux présent dans les eaux brutes est l’hydrogène sulfuré. La formation de ce composé dans les réseaux en amont de la station d’épuration provient de la fermentation anaérobie de la matière organique et dépend donc de la septicité (voir potentiel d'oxydo-réduction – septicité) du potentiel redox, de la concentration en DBO des eaux brutes ainsi que de la température ambiante, la longueur des réseaux, la présence de postes de relèvement intermédiaires. Des actions peuvent être effectuées pour limiter l’émission d’hydrogène sulfuré, soit en combattant la formation des sulfures dans les eaux par suppression des conditions anaérobies : injection d’oxydant (ex. H2O2), injection de NO3 (anoxie et non anaérobie), soit en précipitant le S2– formé via des sels ferreux ou ferriques.

Les brassages de l’eau (pompe de relevage, agitation en pied de grilles, bullage dans les dégraisseurs), les chutes d’eau auront tendance à « stripper » les composés volatils dissous dans les eaux.

Un facteur aggravant : le recyclage « en tête » des jus fortement chargés et septiques, issus du traitement des boues.

Au niveau de la décantation primaire, les émissions d’odeurs restent limitées (chutes au niveau des déversoirs) et les concentrations mesurées sont inférieures à celles existant en entrée de station. Néanmoins, les puits à boues fraîches sont des générateurs d’odeurs assez importants.

Dans le cas d’installations situées dans des pays à climat chaud, les concentrations en sulfures dans les eaux brutes peuvent être élevées et générer des émissions d’H2S au niveau des pré-traitements largement supérieures aux émissions rencontrées dans les pays à climat tempéré. Ces concentrations en sulfures élevées dans les réseaux sont présentes dans les réseaux longs et peu actifs (débit d’eau faible en raison de la disponibilité de l’eau potable dans le pays).

Ces fortes concentrations peuvent être accrues en cas d’infiltrations d’eau de mer dans les réseaux de collecte des eaux usées.

le traitement biologique et le clarificateur associé

Leurs contributions aux émissions d’odeurs sont peu importantes.

La concentration en composés soufrés mesurée à la surface des bassins d’aération est toujours faible et si on doit classer les types d’ouvrages par ordre de nuisance olfactive en fonction du traitement, on a :

  • pour l’aération : fines bulles < aération de surface < grosses bulles (voir stripping croissant) ;
  • pour la charge : faible < moyenne < forte (voir qualité de l’eau).

Le clarificateur ne participe quasiment pas à l’émission d’odeurs dans la mesure où le traitement fonctionne correctement. De même, les éventuels traitements tertiaires posent peu de problèmes.

le traitement des boues

C’est sans aucun doute l’endroit où se trouvent les principaux points d’émission de composés olfactifs d’une station.

La nature des traitements mis en jeu a une influence sur l’intensité des odeurs émises :

  • une stabilisation aérobie ou anaérobie des boues limite les odeurs ;
  • un chaulage modifie la solubilité apparente des composés acides et alcalins. Ainsi, en augmentant le pH , les produits soufrés (composés à caractère acide) sont bloqués sous forme ionisée (soluble) dans l’eau alors que les composés azotés (composés alcalins) sont libérés.

Au fond des épaississeurs, des zones en anaérobiose existent et la phase d’acidogenèse de la fermentation produit des acides gras volatils.

Au niveau de la déshydratation, le tableau 1 résume les grandes tendances quant à sa contribution aux émissions en fonction du type de déshydratation et de la nature de la boue.

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Tableau 1. Grandes tendances à la contribution aux émissions en fonction du type de déshydratation et la nature de la boue

la métrologie

Les odeurs peuvent se mesurer de deux façons :

  • par analyses chimiques ou physico-chimiques, qui nous donnent une quantification par produits (H2S, CH3SH, NH3…) ou famille de composés (COVT);
  • par analyses olfactométriques, qui sont fondées sur la réponse globale du nez humain et qui peuvent quantifier une perception olfactive . Associées à des modèles de dispersion, ces mesures permettent d’évaluer l’impact olfactif.

les analyses chimiques

Il s’agit d’analyser dans l’air vicié les principaux composés odorants émis par les stations d’épurations, dont ceux des deux familles les plus courantes, les soufrés réduits et les azotés mais également les aldéhydes et cétones et le paramètre COV totaux qui constitue un indicateur global de la charge en polluants de l’air vicié.

L’échantillonnage a une importance capitale pour obtenir des résultats significatifs.

Les techniques d'analyse physico-chimique des composés odorants se classent en quatre catégories :

  • les dosages chimiques (titrimétrie) ;
  • les méthodes spectrales (spectrophotométrie, spectrométrie de masse) ;
  • la chromatographie en phase gazeuse (GC) ou ionique (CI) ;
  • les détecteurs spécifiques (FID, capteur électrochimique).

Les principales méthodes utilisées classiquement pour caractériser les composés odorants en station d’épuration sont présentées dans le tableau ci-dessous.

composés odorantsImage sécurisée
Tableau 2. Méthodes de caractérisation des composés odorants en station d’épuration

les analyses olfactométriques

La connaissance qualitative et quantitative de la composition de l’atmosphère ne suffit pas pour connaître les propriétés odorantes du mélange (perception du nez humain) suite à des effets de « synergie » ou au contraire « masquants ». De plus, certains des produits odorants sont perceptibles à des concentrations si faibles que même les analyseurs les plus performants sont incapables de les déceler.

L’olfactométrie, elle, est fondée sur les seuls capteurs d’odeurs disponibles, à savoir les muqueuses olfactives de l’homme. Elle comporte deux types de mesure :

  • la mesure de la « concentration d’odeurs », exprimées en ouE/m3 dans les pays européen (unité d’odeurs européenne par mètre cube) ou plus généralement en ou/m3 (unité d’odeur par mètre cube). Cette mesure représente la persistance de l’odeur, c’est à dire sa capacité à résister à la dilution. Avant 2003, en France, la concentration d’odeurs était dénommée « facteur de dilution de l’odeur au seuil de perception »;
  • la mesure de l'« intensité odorante d’une atmosphère » exprimée par rapport à une échelle de référence.

Ces deux caractéristiques de l’odeur ne sont pas linéairement dépendantes et donnent des informations complémentaires :

  • la concentration d’odeur permet de déterminer la distance d’impact d’une source d’odeurs et s’applique plutôt à la caractérisation des émissions;
  • ’intensité odorante permet de quantifier la force de la sensation perçue et s’applique plutôt à la caractérisation des odeurs dans l’environnement.

Toujours crucial, le prélèvement des atmosphères odorantes est décrit dans la norme NF EN 13725.

concentration d’odeur

La mesure de la concentration d’odeur est normalisée au niveau européen (EN 13725). Cette méthode de mesure fait référence à l’international.

définition

La concentration d’odeurs représente la dilution qu’il faut apporter à un gaz odorant pour qu’il ne soit perceptible que par 50% de la population.

principe de la mesure

Le mélange odorant est présenté, après avoir été dilué par un gaz inodore approprié, à chacun des sujets d’un jury qui indique individuellement s’il perçoit ou non l’odeur du mélange. Sur la base d’essais successifs, on définit pour chacun des membres du jury de nez, leur seuil individuel de perception. Le seuil de perception du jury est ensuite calculé sur la base des seuils individuels (moyenne géométrique) après vérification de l’homogénéité des réponses des membres du jury.

appareillage

Cette mesure nécessite un olfactomètre. C’est un dispositif qui permet de contrôler la dilution du mélange odorant par le gaz inodore et de présenter le mélange dilué à un sujet. Seuls les olfactomètres dynamiques sont retenus. Le taux de dilution doit pouvoir varier rapidement de 10 à 10 000. Le débit de sortie conseillé est d’environ 2 Nm3·h–1. L’olfactomètre est donc un appareil de mesure qui utilise le nez humain comme détecteur.

jury de nez

La mesure de concentration d’odeur nécessite un jury de nez composé d’au moins 4 membres, dont la normalité olfactive a, au préalable, été vérifiée selon un protocole strict.

Pour chaque mesure, les réponses des membres du jury doivent être homogènes entre elles selon des critères définis. En cas d’inhomogénéité, on intègre les réponses de membres supplémentaires.

mesure de l’intensité odorante d’une atmosphère

définition

L’intensité odorante d’une atmosphère est l’intensité de la sensation. Elle dépend de la concentration du mélange odorant, mais les relations intensité / concentration sont complexes et non linéaires.

principe de la mesure

L’intensité odorante est généralement mesurée en unités arbitraires par des mesures psychophysiques faites par un jury d’experts dont les réponses font l’objet d’un traitement statistique.

En France, la mesure de l’intensité odorante est basée sur une méthode d’équivalence olfactive (norme AFNORNF X43-103).

méthodes de mesure : (Afnor NF X43-103)

Elle comporte l’utilisation d’une gamme d’intensités de référence réalisée à l’aide de plusieurs échantillons contenant soit des solutions diluées de 1-butanol, soit des solutions diluées de pyridine.

La mesure consiste à comparer l’intensité de l’odeur perçue à l’intensité des échantillons de la gamme de référence. Elle est réalisée par un jury de nez comprenant au moins 7 personnes. Elle peut se faire directement dans l’environnement considéré. Les membres du jury donnent une réponse de manière confidentielle. Les résultats sont traités de manière statistique.

Par définition, le logarithme de la valeur moyenne de l’intensité odorante d’une atmosphère est la moyenne arithmétique des N valeurs de leur logarithme.

L’intervalle de confiance autour de cette valeur est calculé. Le niveau de probabilité choisi est de 0,95, c’est-à-dire que la vraie valeur de l’intensité a 95 % de chance d’être dans l’intervalle de confiance.

application aux odeurs générées par les stations

quantification des odeurs à l’émission (débit d’odeur)

Le débit d’odeur d’une source canalisée (par exemple, une cheminée) est, par définition, le produit du débit d’air de cette source exprimé à 1 atmosphère et 20°C (conditions normales d’olfactométrie) et de sa concentration d’odeurs.

formule : désodorisation - débit d'odeur

Pour les sources surfaciques passives (non aérées), le débit d’odeurs est proportionnel à la surface libre du bassin. Ce débit est quantifié en mesurant la concentration d’odeurs sur un échantillon d’air prélevé sur le bassin au moyen d’une chambre à flux qui isole la surface échantillonnée des conditions extérieures.

Connaissant le débit d’odeur d’une source, il est possible, avec des modèles de dispersion atmosphérique, de déterminer la zone d’impact, délimitée par la distance seuil (distance à laquelle l’odeur n’est ressentie que par 50 % de la population, soit 1ouE/m3).

mesures des odeurs dans l’environnement

Elles sont destinées à permettre une évaluation aussi quantitative que possible du niveau d’odeur dans une zone donnée. Ce niveau se mesure avec des mesures d’intensités odorantes par un groupe d’observateurs entraînés.

Toute mesure d’intensité par le jury est complétée par des informations concernant :

  • le lieu exact de cette perception ;
  • l’heure ;
  • la durée de la perception (continue ou bouffée) ;
  • un qualificatif (odeur industrielle, urbaine, agricole…).

Les résultats peuvent être présentés sous forme de cartes sur lesquelles sont reportées les valeurs moyennes des intensités perçues.

Ces mesures, qui sont reproductibles, permettent de comparer la situation olfactive avant et après l’installation d’une usine ou d’une STEP par exemple.

Pour évaluer le niveau de gêne ressentie par les populations riveraines d’un site, on peut utiliser des personnes volontaires, choisies dans la population locale, par le biais d’observatoire des odeurs.

Fondées sur les réactions physiologiques d’un groupe, ces méthodes olfactives sont incontestablement les plus représentatives des perceptions et, éventuellement, des gênes éprouvées par les opérateurs ou les riverains d’une station.

Les méthodes de mesures olfactométriques sont coûteuses vu le nombre de « nez experts » à rassembler et la rigueur nécessaire à leur reproductibilité.

Aussi, les méthodes chimiques et olfactométriques sont indispensables et complémentaires pour contrôler les émissions d’odeurs d’une station d’épuration :

les mesures olfactométriques permettent de hiérarchiser les sources en fonction de leur impact olfactif potentiel et donc de définir les sources à désodoriser, tandis que les mesures chimiques vont permettre d’orienter et de designer les procédés de traitement des odeurs.

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