élimination de l'ammonium

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On peut éliminer l’ammonium présent dans les eaux par des procédés physico-chimiques ou biologiques.

procédés physico-chimiques

On a vu l’action du chlore sur l’ammonium (voir la section les oxydants et désinfectants), qui est éliminé lorsque la dose de chlore utilisée est supérieure au point critique. Dans ces conditions apparaissent souvent des sous-produits (orga­nochlorés, THM…) dont la présence est indésirable (voir la section pollution induite par les traitements). Cette technique n’est donc appli­cable que si la quantité de précurseurs présente dans l’eau est très faible, c’est-à-dire:

  • sur des eaux à basse teneur en MO ;
  • en fin de chaîne de traitement, sur l’eau clarifiée et affinée. C’est particulièrement le cas lorsqu’il est nécessaire de pallier les insuffisances d’un traitement biologique d’élimination de l’ammonium (période d’eaux froides par exemple). L’installation de Morsang (figure 9 dans l'affinage: élimination des matières organiques) est ainsi équipée d’un réser­voir d’eau affinée en fin de chaîne, à flux piston.

Les autres oxydants (ozone, CℓO2, chloramines, KMnO4) sont inefficaces pour éliminer l’ammonium.

Échange d’ions : l’emploi de la clinoptilolite (zéolithe naturelle) a parfois été suggéré pour l’élimination de NH4, mais sa mise en œuvre est coûteuse.

élimination biologique de l’ammonium (nitrification)

conditions de mise en œuvre

Les conditions de développement des bactéries oxydant biologiquement l’ammonium en nitrite, puis en nitrate, sont précisées aux chapitres cycle de l'azote et cultures libres (boues activées) et transformations de l'azote.

Les concentrations en NH4 des eaux brutes étant relativement faibles, la nitrification en production d’eau potable se fait en principe dans des filtres (cultures fixées), soit dédiés en choisissant un matériau granulaire favorable à l’accrochage des bactéries (biolite), soit les filtres à sable et/ou CAG nécessaires par ailleurs au traitement.

Il faut en outre :

  • une quantité suffisante d’oxygène ;
  • un apport (ou la présence) de phosphore pour assurer la croissance des bactéries ;
  • une concentration suffisante en hydrogénocarbonates (TAC) : les bactéries sont autotrophes et en tirent le carbone nécessaire à leur développement ;
  • un pH bien adapté (> 7,5) ;
  • une température suffisamment élevée : en dessous de 8 à 10 °C, le métabolisme des bactéries décroît rapidement et l’oxydation de l’ammonium est très ralentie (avec production de nitrites), voire complète­ment inhibée en dessous de 4 à 5 °C ;
  • l’absence de tout désinfectant résiduel.

En outre, il faut prévoir un temps d’ensemencement naturel de 1 à 3 mois pour que le procédé atteigne sa pleine efficacité.

Les techniques de mise en œuvre diffèrent essentiellement par le matériau support utilisé pour la fixation des bactéries, le sens de percolation de l’eau à traiter et la présence ou non d’un apport d’air en continu dans le réacteur de nitrification.

On notera qu’en traitement d’eau potable on a l’habitude de raisonner sur l’ion ammonium NH4+ et non, comme en eaux résiduaires, en N-NH4+ = azote de l’ammonium.

Formule :rapport ammonium / azote de l'ammonium

filtres à pouzzolane

Historiquement, c’est la première technique utilisée, mais elle comporte des sujétions d’exploitation lour­des. En effet :

  • la pouzzolane (> 1 cm) ne peut être lavée, même à l’air et à l’eau ; il faut donc, périodiquement, arrêter le - filtre et le faire macérer dans l’eau chlorée ;
  • tous les 2-3 ans, ce matériau doit même être sorti des filtres et rénové.

Cette technique est donc abandonnée et remplacée par le Nitrazur N.

filtres à biolite

On a vu à la section transformations de l'azote que l’influence de la température sur la cinétique de la nitri­fication

Par ailleurs, on sait que l’oxydation biologique de l’ammonium requiert une quantité d’oxygène égale à :

Formule :  oxydation biologique de l’ammonium / quantité d'oxygène

a) Si la quantité d’oxygène nécessaire à la nitrification est susceptible d’être véhiculée par l’eau à traiter elle-même, il n’y a pas lieu de réaliser une aération du réacteur. En pratique :

  • si NH4+ < 1 mg · L–1 on peut n’utiliser qu’un filtre à sable classique à condition de bien pré-aérer l’eau ;
  • si 1 < NH4+< 2 mg · L–1 on fait appel à un LFN (lit filtrant nitrifiant) chargé de biolite, l’oxygène étant apporté à l’eau lors d’une aération préliminaire soit par cascade, soit par dissolution au moyen de diffu­seurs poreux. C’est le cas de l’installation Eau & Force au Mont Valérien (phase 2) (figure 10 dans l'affinage: élimination des matières organiques) qui comprend :
    • une cascade d’aération ;
    • une préozonation ;
    • une clarification sur Densadeg ;
    • une filtration/nitrification sur LFN :
  • biolite 1,1 mm ;
  • hauteur : 1 m ;
  • vitesse ~ 7 m · h–1 ;
    • une ozonation ;
    • une filtration sur CAG (filtres Biflux).

b) Si la concentration en NH4+ est telle que l’oxygène dissous dans l’eau n’est pas suffisant, il faut faire appel à un réacteur aéré ; c’est le Nitrazur N (voir à la section transformations de l'azote figure 43) dont il existe deux variantes :

  • les réacteurs à contre-courant où l’eau circule de haut en bas et l’air de bas en haut (ex. : station de Lou­veciennes, figure 36 et photo 23) ;
  • les réacteurs à cocourant où l’eau et l’air circulent de bas en haut (ex. : station d’Okhla, Inde).

Ces réacteurs fonctionnent à une vitesse de l’ordre de 10 à 15 m · h–1 et utilisent un rapport volumique air/ eau allant de 0,3 à 1.

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Figure 36. Schéma de l’installation de Louveciennes (Yvelines). Débit : 120 000 m3 · j–1
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Photo 23. Nitrazur N – Filtre de 53 m2 en fonctionnement. Installation de Louveciennes (Yvelines). Débit : 120 000 m3 · j–1

Le choix de l’un ou l’autre type est guidé par les doses de NH4+ à nitrifier et donc d’oxygène à mettre en œuvre ; en effet, un débit d’air élevé par rapport au débit d’eau peut entraîner des phénomènes d’embolie dans un réacteur downflow ; en revanche, avec un réacteur up flow (à cocourant), il est nécessaire de pré­voir une filtration complémentaire car il n’est pas possible de garantir des turbidités faibles avec ce type de réacteur.

filtres à matériau filtrant flottant

Le Filtrazur (voir la section filtres filtrazur) est une alternative intéressante aux réacteurs de nitrification précédents.

L’utilisation d’un matériau plus léger que l’eau permet aussi une filtration de bas en haut et, si nécessaire, une circulation ascendante d’air.

On trouve en effet des Filtrazur non aérés pour des doses de NH4+ de 1 à 1,5 mg · L–1 (Aubergenville) ou aérés pour des concentrations supérieures (Cang-Zhou, Chine).

traitement biologique d’une eau contenant ammonium, fer et/ou manganèse

Si ces trois éléments sont présents, la séquence des traitements dans le diagramme de stabilité est repré­sentée sur la figure 37. Il s’ensuit que l’on peut éliminer le fer par voie biologique sans nitrifier, mais pas le manganèse.

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Figure 37. Succession des étapes de traitement pour une eau contenant simultanément Fe2+, NH4+ et Mn2+

En outre, les conditions opératoires d’une déferrisation biologique (vitesse élevée, faible temps de séjour, limitations en O2 dissous) sont opposées à celles qui sont nécessaires à la nitrification ; celle-ci doit donc souvent s’effectuer dans un stade ultérieur, dimensionné sur la teneur en NH4+ à éliminer et la température de l’eau ; la démanganisation biologique peut alors prendre place dans le même réacteur, si la nitrification est terminée avant la sortie de l’eau traitée.

Suivant les concentrations respectives des trois éléments et les autres caractéristiques de l’eau, de nom­breuses combinaisons sont possibles, par exemple :

  • faibles teneurs en Fe, Mn, NH4+ : déferrisation physico-chimique, nitrification et démanganisation biolo­gique dans le même filtre ;
  • teneurs moyenne ou forte en Fe et faible en Mn, NH4+ ≤ 1,5 mg · L–1 : déferrisation biologique, puis aéra­tion intensive et filtration sur sable ou LFN suivant la teneur exacte en NH4+ et la température de l’eau ;
  • teneurs moyennes ou fortes en Fe et Mn, NH4+ > 1,5 mg · L–1 : il faut alors une filière à trois étages, comportant :
    • une déferrisation biologique ;
    • une nitrification en Nitrazur N ;
    • une filtration de finition où nitrification et démanganisation s’achèvent simultanément par voie biolo­gique.

Remarque : dans le cas d’eau de surface contenant des MES dont la potabilisation requiert un traitement complet de clarification incluant un affinage, on peut constater une certaine nitrification à plusieurs des éta­pes mises en œuvre, par exemple : stockage d’eau brute, lit de boue des décanteurs, filtres à sable, filtres à CAG.

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