principes de mise en œuvre des charbons actifs

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Les charbons actifs sont disponibles sous deux formes : charbon en poudre et charbon en grains.

charbon en poudre (CAP)

Le charbon en poudre se présente sous forme de particules de dimensions comprises entre 10 et 50 mm et est le plus souvent utilisé en combinaison avec les traitements de clarification. Introduit en continu dans l’eau avec les réactifs de floculation, il se trouve inséré dans les flocs et est ensuite extrait de l’eau avec eux (boues).

Pour une bonne utilisation des CAP, il est recommandé d’avoir recours à un décanteur à lit de boues (Pulsator, Superpulsator, Pulsatube) (voir floculateurs - décanteurs - flottateurs. Ces appareils permettent d’augmenter notablement le temps de contact entre l’eau et le charbon et, par suite, de mieux approcher les capacités de saturation à l’équilibre. C’est ainsi qu’on a pu, avec un résultat identique, réaliser une économie de charbon de 15 à 40 % en utilisant un Pulsator au lieu d’un décanteur statique.

De même l’utilisation de charbon actif en poudre dans la boucle de recirculation d’un ultrafiltre permet une élimination des matières organiques dissoutes, complémentaire de l’élimination des matières en sus­pension par la membrane, voir séparation par membranes. C’est le procédé Cristal (voir séparation par membranes). On notera que le charbon utilisé est récupéré dans les eaux de rétrolavage et que celles-ci peuvent être très utilement renvoyées en tête d’un décanteur à lit ou recirculation de boues (si celui-ci existe en amont de la membrane)

avantages

  • Les charbons actifs en poudre sont environ 2 à 3 fois moins chers que les charbons en grains ;
  • leur dosage en quantité réglable peut suivre la concentration des polluants si celle-ci est connue ;
  • leur emploi ne nécessite qu’un investissement réduit quand le traitement ne comporte qu’une étape de floculation-décantation (il suffit de prévoir un simple poste de dosage de charbon actif) voir photo 9 et charbon actif en poudre;
  • leur cinétique d’adsorption est rapide, une grande surface étant directement accessible ;

le charbon actif favorise la décantation en alourdissant le floc

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Photo 9. Installation de la ville de Nantes. Débit : 11 700 m3 · h–1. Poste de dosage du CAP

inconvénients

  • il est impossible de régénérer le charbon actif lorsqu’il est récupéré en mélange avec des boues ;
  • il est difficile d’éliminer les dernières traces d’impuretés sans addition d’un excès de charbon actif ;
  • pour pouvoir utiliser le charbon lors des pointes de pollution, il est indispensable d’avoir les moyens de détecter ces pointes ;
  • on utilise donc essentiellement le charbon en poudre à l’occasion de dosages discontinus ou de faible importance (inférieurs à 10 à 25 g · m–3 suivant les cas), sinon l’économie pousse à utiliser des charbons en grains régénérables.

charbon en grains ( CAG )

caractéristiques physiques des charbons en gains

Les caractéristiques physiques des charbons en grains varient suivant les produits dans de grandes limites (tableau 20).

La connaissance de ces paramètres est fondamentale pour le choix et la mise en œuvre du charbon actif dans le cadre d’une application donnée.

capacité utile d’un charbon

Le charbon en grains est utilisé sous forme de lit filtrant traversé par l’eau à traiter, dont les impuretés se trouvent ainsi soumises à une extraction méthodique ; en effet, l’eau débarrassée progressivement de ses polluants rencontre des fractions de charbon actif de moins en moins saturées et donc de plus en plus acti­ves.

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Tableau 20. Caractéristiques physiques des charbons actifs granulés

L’économie d’un traitement sur charbon actif est essentiellement fonction de la capacité utile du charbon, exprimée en g de polluant (DCO-COT) fixé par kg de charbon actif, qui conditionne la « consommation de charbon » pour obtenir un effet déterminé. Or, pour un système donné (eau polluée-charbon), cette capacité utile est fonction :

  • de la profondeur du lit : plus un lit est profond, plus il tolère des fronts d’adsorption allongés sans fuite excessive (notions analogues à celle de l’échange d’ions, voir échange d'ions généralités - figure 72) tout en assurant une parfaite saturation de la couche supérieure ; en pratique, on adopte des hauteurs de cou­che comprises entre 0,8 et 3 m voire plus sur les eaux concentrées ( ERI ) ;
  • de la vitesse d’échange : l’expérience montre que l’on peut rarement excéder 3 volumes d’eau par volume de charbon et par heure pour les cas de pollution élevée (ERI). Dans le cas du traitement des eaux de consommation, où les teneurs en produits adsorbables sont faibles, l’optimum économique doit tenir compte du poids important des frais d’investissement et l’on est conduit à accepter une moindre satura­tion du charbon en utilisant des charges volumiques plus élevées (5 à 10 vol · vol–1·h) ;
  • de la matrice organique de l’eau exprimée par le COT et l’absorbance UV : elle entre en compé­tition avec les micropolluants pour occuper les sites d’adsorption du CAG ; la capacité d’adsorption du CAG vis-à-vis de ces substances diminue donc quand le COT augmente.
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Figure 72. Progression du front d’absorption d’un filtre à CAG

La théorie ne donnant que le sens de variation de ces lois, il reste indispensable de faire appel à l’expé­rience du spécialiste et/ou d’effectuer des essais dynamiques sur des colonnes de taille suffisante pour per­mettre leur extrapolation.

Il existe toutefois des modèles qui permettent, à partir d’expériences de laboratoire, de prévoir la capacité utile d’un charbon (remarque : ces modèles demandent eux-mêmes à être utilisés par un spécialiste).

fonctions d’un lit de charbon actif

Un lit compact remplit quatre fonctions :

  • filtration : le CAG étant plus friable que le sable (si quartz), il vaut mieux réduire sa fréquence de lavage donc éviter une forte rétention de MES ; le CAG sera donc généralement placé en 2ème étage de filtration ; par ailleurs le lavage tend à homogénéiser la couche et si la reclassification finale est peu marquée, le front d’adsorption sera dispersé avec une possible fuite en polluant. ;
  • support bactérien (on parle alors aussi de régénération biologique du charbon actif) : ce phénomène contribue à l’épuration, mais il peut aussi être dangereux s’il n’est pas parfaitement maîtrisé (fermenta­tion, odeurs, colmatage du lit, développement de micro-invertébrés…), en particulier par une gestion judi­cieuse des lavages ; ce mode de fonctionnement a parfois été particulièrement développé en traitement d’eau potable : au lieu de CAG, on parle alors de CAB (charbon actif biologique, voir le concept de CAB (charbon actif biologique) ;
  • action réductrice (pour mémoire voir principaux adsorbants) ; il en résulte qu’une désinfection doit toujours suivre une filtration sur CAG si l’eau est destinée à la consommation ;
  • adsorption : cela doit rester le rôle essentiel du charbon (voir ci-après).

systèmes mettant en œuvre le CAG

Trois agencements sont possibles :

  • lits fixes simples : cette technique est largement utilisée dans les traitements de potabilisation (voir filtres à charbon actif carbazur). À mesure que le charbon retient des micropolluants, le front d’adsorption progresse en profondeur (figure 72) et il faut remplacer le charbon usagé par du charbon neuf lorsque la teneur de l’eau traitée en micropolluant résiduel atteint le seuil d’alarme C’ sous peine de voir ensuite cette teneur tendre rapidement vers la valeur d’entrée C3. Le charbon usagé est soit jeté (quand il s’agit d’une qualité dite « non régénérable »), soit régénéré par un nouveau traitement thermique de réactivation en atmosphère contrôlée ;
  • lits fixes en série : en traitement d’eaux résiduaires, on utilise plusieurs colonnes en série, régénérées par permutation… (figure 73). On organise ainsi un système d’extraction à contre-courant. Le filtre Carba­zur Double Flux (DF) (voir filtres à charbon actif carbazur) en est une variante avec deux cellules ;
  • lits mobiles : ils fonctionnent aussi à contre-courant mais avec un seul lit (figure 74). La base du lit peut être fluidisée pour faciliter l’extraction du charbon saturé.

régénération

Le charbon actif (de même que les adsorbants artificiels) est un produit coûteux. Il serait, la plupart du temps, prohibitif de remplacer le charbon saturé qu’il faut donc pouvoir régénérer ; à cet effet, trois métho­des ont été développées.

régénération à la vapeur

Cette méthode est limitée à la régénération de charbon n’ayant fixé que quelques produits très volatils (ex. des solvants chlorés) ; toutefois, l’application de vapeur peut être intéressante pour décolmater la surface des grains et stériliser le charbon.

régénération thermique

Le chauffage vers 800 °C sous atmosphère contrôlée évite d’enflammer le charbon et provoque la pyrolyse des matières organiques adsorbées en petites molécules qui s’échappent du charbon et sont brûlées dans une chambre de postcombustion. C’est la méthode la plus employée ; elle permet de bien régénérer le char­bon actif, mais a un double inconvénient :

  • elle nécessite des investissements lourds ; on utilise selon les cas un four à soles étagées, un four à lit fluidisé ou un four tournant. Ce four doit comporter des dispositifs de contrôle d’atmosphère et de tem­pérature, un système de déshydratation à l’entrée et une trempe du charbon à la sortie du four ;
  • elle conduit à des pertes de charbon élevées (7 à 10 % par régénération), c’est-à-dire qu’après 10 à 14 régénérations, on a statistiquement remplacé entièrement la masse de CAG.

L’utilisation de moyens de chauffage électrique (four à infrarouge, four à induction) permet de réduire ces pertes. Mais ces techniques, coûteuses, ne sont utilisées, à ce jour, que pour la récupération de métaux oné­reux.

Remarque : un four de régénération peut être installé sur le site d’utilisation (grande quantité utilisée ou site peu accessible, ex. photo 10). Dans la plupart des autres cas les charbons peuvent être l’objet de contrat de régénération à façon offert par les producteurs.

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Photo 10. Installation de Taïf (Arabie Saoudite) – Débit 12 600 m3j–1. Four de régénération du CAG. Capacité : 6 t · j–1

« régénération » biologique

Le biofilm bactérien fixé sur le CAG minéralise tout ou partie de la fraction biodégradable des matières organiques adsorbées ce qui peut être considéré comme une biorégénération continue mais partielle ; celle- ci ne dispense donc pas de la nécessité des régénérations thermiques, mais elle augmente la capacité utile d’adsorption vis-à-vis des molécules réfractaires et allonge la durée de vie du CAG entre deux régénérations thermiques.

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